PRINCE NICO MBARGA & LE ROCAFIL JAZZ

Les jeux de reins, les vrais à une époque, c’était sur le Soukouss Zaïrois avec des titres sulfureux du genre Lola muana, Ngoya, Baya Baya, Yanini, Houleux Houleux, Okomi kolangua, État de santé, Shama Shama, Mahoungou, Sola

Mais à partir de 1976, les ténors du Soukouss Zaïrois qui avaient établi une douce dictature musicale pendant près d’une décennie sur tout le continent africain, commençaient à battre de l’aile avec l’usure du temps. Le Nigéria se réveillait pour prendre le relais avec: Super stars of Africa dans Ikenga, Oriental Brothers International Band d’Oliver Decoq et son Kelechi… Mais en embuscade, Prince Nico MBARGA et le Rocafil Jazz s’apprêtaient à inonder l’Afrique de leur swing.

 Nicolas MBARGA, né en 1950, à Abakaliki, dans l’État de Cross River, à la frontière du Nigéria et du Cameroun. De père Camerounais, et de mère Nigériane. Il perd très tôt son père. Terrassé par une maladie soudaine, ce dernier laissa une veuve éplorée et quatre enfants. Nicolas se passionnera pour la musique dès l’adolescence.

Multi-instrumentiste, Nicolas MBARGA faisait parler à son aise xylophone, congas, batterie et la guitare (Bass et solo). Son premier instrument a été le xylophone que lui apprit à jouer son père. Il fait ses débuts professionnels en tant que membre du Melody Orchestra.

Après un séjour de quelques années au Cameroun pour cause de guerre civile au Nigéria, Nicolas MBARGA retourne au Nigéria au début des années 1970. Il prend le nom de Prince Nico Mbarga et fonde le Rocafil Jazz en 1974 avec lequel il se produit dans de nombreuses formations hôtelières dont le Naza Hotel, dans la ville d’Onitsha, à l’est du Nigéria.

À cheval entre les deux pays (Cameroun et Nigéria), Prince Nico Mbarga mixera avec talent les influences et rythmes des deux cultures. Rapidement reconnu chez lui, la renommée du groupe explose en 1976 avec l’énorme succès international du titre Sweet Mother.

SWEET MOTHER, I’ll NEVER FORGET YOU…

Sweet Mother, parlons-en, une ballade aux paroles sentimentales chantée en pidgin, c’est-à-dire mêlant anglais et langues africaines, et réunissant deux genres musicaux de l’Afrique francophone et anglophone, à savoir le Highlife ghanéen et nigérian. Sur cette bigamie musicale, il y éparpillera une substance pulvérulente de Makossa camerounais parsemée, émaillée d’un soupçon de Rumba congolaise.

Sweet Mother, une véritable ode aux mamans, l’une des plus belles mélodies africaines dédiée à ce chef-d’œuvre de Dieu qu’est la maman. Il faut noter que Sweet Mother composé depuis 1974, avait été refusé par EMI, qui l’avait jugé « trop enfantin ». La chanson avait été finalement enregistrée deux ans plus tard, en 1976, avec l’aide du producteur expérimenté, Rogers All Stars, à Onitsha. La légende raconte que le groupe avait répété pendant six mois, et avait enregistré en direct dans les Studios Decca, après une longue nuit de beuverie…

Ce titre va connaitre un énorme succès international en 1976. Il demeure à ce jour selon les médias, le record de vente jamais réalisé en Afrique. Cette composition est considérée comme le plus grand succès continental enregistré jusqu’à aujourd’hui : entre 13 et 30 millions d’exemplaires vendus et une couverture radiophonique sans précédent. Avec cette chanson, il acquiert une renommée internationale.

‘’Prince Nico MBARGA entretenait une relation particulière avec sa mère qu’il aimait d’un amour infini. C’est d’ailleurs à celle-ci qu’était destiné son fameux titre Sweet Mother. À la sortie de ce titre, sa mère reçut immédiatement le surnom de Sweet Mother. À la mort de Prince Nico MBARGA, on décida de ne pas annoncer la triste nouvelle à sa sweet mother, car cette dernière étant malade, on redouta que cette triste nouvelle précipitât sa mort. Elle apprit la mort de son fils deux mois plus tard. À l’annonce de la nouvelle, elle s’effondra et mourut de chagrin quelques temps plus tard’’…

Qu’on se le tienne pour dit, à partir de ce titre et de cet album, Prince Nico Mbarga et le Rocafil Jazz inonderonttoute l’Afrique de ce savoureux swing dont ils avaient eux seuls le secret, le Igbo Highlife.

JACOB NGUNI, LA GUITARE CHANTANTE…

Ce Prince Nico MBARGA qui avait mis l’Afrique à ses pieds, avait le « derrière soudé ». Car derrière lui, c’était le Rocafil Jazz, huilé et hyper entrainé. Et le Rocafil Jazz, des Camers pour la plupart et quelques Nigérians, c’était Gabriel Ashagasha (Batterie), Franco Okoro (Percussion), Jacob Nguni Tchobena (Lead Guitar), Jean Duclair Tchatchoua (Rythm Guitar), Moïse Tchoumbou (Bass Guitar), et les choristes Toumey Essi (la Togolaise), Tomisco Kum, Éric Tina Mayas et Pierrot Tchangna.

Dans ce Rocafil Jazz, celui qui aura gravé son touché dans la mémoire collective est incontestablement le Lead Guitar Camerounais, Jacob Nguni. Sa collaboration avec Prince Nico aura été des plus fructueuse et des plus féconde sur plusieurs titres.

Le monde a appris à connaître Jacob NGUNI en tant que guitariste talentueux, « responsable » de la guitare parlante et chantante dans Sweet Mother. Son nom est aussitôt entré dans la psyché de toute une génération. Jacob Nguni est le Guitar Hero du Rockafil Jazz avec qui de nombreux hits ont gagné une éternelle notoriété sur le continent. Prêtez seulement l’oreille au début du questionnement cordophone de Sweet Mother ; tendez l’ouïe au début du réveil en douceur de Aki special ou même des lignes de guitare insistantes de Christiana et de sa variante Simplicity. Toutes ces pincées de solo ne sont que l’œuvre de ce virtuose de la guitare.

Mais dans la nuit du au 25 au 26 avril 2015, le Guitar boy du Rocafil Jazz rendait l’âme dans son sommeil, des suites de maladie, dans un hôpital de l’État du Maryland, son lieu de résidence aux USA…

ACCIDENT DE MOTO AVEC VUE… SUR LA MORT

Prince Nico MBARGA & le Rocafil Jazz, ce n’était pas que Sweet Mother. C’étaient aussi Simplicity, les mélopées entrainantes de Sickness et Late Madam Nneka Okonkwo. Mais aussi et surtout les sulfureux Music line, Stella, Christiana, le swingant Family Movment sur lequel l’orgue fit pour la première fois son apparition dans l’orchestration du Rocafil Jazz.  

Après le succès, et après un séjour en Angleterre à la fin de la décennie 80, Prince Nico s’était retiré en partie de l’univers musical. Il se consacrera à la gestion de ses deux hôtels, le Calabar Hotel et le Sweet Mother Hotel, à Ikom, au Nigéria.

Mais Nicolas MBARGA, le Prince inspirateur du Rocafil Jazz, mourra le 24 juin 1997, à Calabar, des suites d’un accident de moto, alors même qu’il était entrain d’établir les visas de ses musiciens pour une tournée aux USA…

Une stèle a été érigée en l’honneur du Chanteur Camerouno-Nigérian, à Ikom, non loin de la frontière entre le Nigéria et le Cameroun.   

Artiste de grand talent, Prince Nico MBarga aura enregistré de nombreux hits pour sa maison de disque Decca, très en vue sur YouTube, puisqu’aujourd’hui l’on raisonne en termes de vu : « Sweet mother », plus de 2.180.900 vues, « Aki Special », plus de 648.800 vues, « Christiana », plus de 226.300 vues, ou encore « Wayo in law », 237.500 vues …

Musicien, Guitariste, Auteur-compositeur-interprète, Hôtelier, Prince Nico laissera derrière lui ce que les Ivoiriens appelleront les Rocafils, sa célèbre paire de bottillons à hauts talons de 10 cm. Avec ces talons, on se faisait respecter dans le Bus 13 bondé, tous les pieds vous cédaient le passage pour ne pas se faire écraser les orteils. Si vous croyiez que c’était du jeu… Mais aussi et surtout, Prince Nico MBARGA laisse derrière lui une vingtaine d’albums, un jeu de guitare reconnaissable parmi mille, et surtout une formidable musique, le gimmick, le swing du Rocafil Jazz

Manu Waah

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