LA PREMIÈRE TELE DE WOYA

𝗗𝗲 𝟭𝟵𝟴𝟱 𝗷𝘂𝘀𝗾𝘂’𝗮𝘂𝘅 𝗮𝗻𝗻𝗲́𝗲𝘀 𝟵𝟬, 𝗪𝗼𝘆𝗮 𝗳𝘂𝘁 𝗹’𝘂𝗻𝗲 𝗱𝗲𝘀 𝗽𝗹𝘂𝘀 𝗯𝗲𝗹𝗹𝗲𝘀 𝘁𝗿𝗼𝘂𝘃𝗮𝗶𝗹𝗹𝗲𝘀 𝗲𝘁 𝗹’𝘂𝗻𝗲 𝗱𝗲𝘀 𝗽𝗹𝘂𝘀 𝗯𝗲𝗹𝗹𝗲𝘀 𝗿𝗲́𝘂𝘀𝘀𝗶𝘁𝗲𝘀 𝗺𝘂𝘀𝗶𝗰𝗮𝗹𝗲𝘀 𝗶𝘃𝗼𝗶𝗿𝗶𝗲𝗻𝗻𝗲𝘀. 𝗗𝗲̀𝘀 𝗹𝗲 𝗽𝗿𝗲𝗺𝗶𝗲𝗿 𝗮𝗹𝗯𝘂𝗺, 𝗠𝗮𝗿𝗰𝗲𝗹𝗹𝗶𝗻 𝗬𝗔𝗖𝗘́ 𝗲𝘁 𝘀𝗲𝘀 𝗽𝗼𝘁𝗲𝘀 𝗼𝗻𝘁 𝗹𝗶𝘁𝘁𝗲́𝗿𝗮𝗹𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗺𝗶𝘀 𝗮𝘂 𝗱𝗶𝗮𝗽𝗮𝘀𝗼𝗻 𝗹𝗲 𝗺𝗶𝗰𝗿𝗼𝗰𝗼𝘀𝗺𝗲 𝗱𝘂 𝘀𝗵𝗼𝘄𝗯𝗶𝘇 𝗶𝘃𝗼𝗶𝗿𝗶𝗲𝗻 𝗮𝘃𝗲𝗰 𝗹𝗲𝘂𝗿𝘀 𝗶𝗻𝘀𝘁𝗿𝘂𝗺𝗲𝗻𝘁𝘀 𝗱𝗲 𝗱𝗲𝗿𝗻𝗶𝗲̀𝗿𝗲 𝗴𝗲́𝗻𝗲́𝗿𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻. 𝗪𝗼𝘆𝗮 𝗲́𝘁𝗮𝗶𝘁 𝗱𝗲𝘃𝗲𝗻𝘂 𝗹𝗲 𝗺𝘂𝘀𝘁 𝗱𝗲 𝗹𝗮 𝗺𝘂𝘀𝗶𝗾𝘂𝗲 𝗺𝗼𝗱𝗲𝗿𝗻𝗲 𝗶𝘃𝗼𝗶𝗿𝗶𝗲𝗻𝗻𝗲 𝗱𝗼𝗻𝘁 𝗶𝗹 𝗳𝗮𝗹𝗹𝗮𝗶𝘁 𝘀𝗲 𝗴𝗮𝘃𝗲𝗿 𝘀𝗮𝗻𝘀 𝗺𝗼𝗱𝗲́𝗿𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻. 𝗠𝗮𝗶𝘀 𝗮̀ 𝗹’𝗼𝗿𝗶𝗴𝗶𝗻𝗲 𝗱𝗲 𝗰𝗲𝘁𝘁𝗲 𝗯𝗲𝗹𝗹𝗲 𝗼𝗱𝘆𝘀𝘀𝗲́𝗲, 𝗶𝗹 𝗮𝘂𝗿𝗮 𝗳𝗮𝗹𝗹𝘂 𝘂𝗻 𝗺𝗲𝗰 𝗲𝘁 𝘂𝗻 𝗺𝗶𝗿𝗼𝗶𝗿 𝗮𝘂𝘅 𝗮𝗹𝗼𝘂𝗲𝘁𝘁𝗲𝘀. 𝗙𝘂𝗹 𝗲𝘁 𝗹𝗮 𝗧𝗲́𝗹𝗲́𝘃𝗶𝘀𝗶𝗼𝗻 𝗶𝘃𝗼𝗶𝗿𝗶𝗲𝗻𝗻𝗲 𝗲́𝘁𝗮𝗶𝗲𝗻𝘁 𝗱𝗼𝗻𝗰 𝗹𝗮̀.

Dès 1984, 𝗙𝗿𝗮𝗻𝗰̧𝗼𝗶𝘀 𝗞𝗼𝗻𝗶𝗮𝗻 goupillait son affaire dans un silence absolu, en pleine forêt luxuriante du 𝗟𝗼̂𝗵 𝗗𝗷𝗶𝗯𝗼𝘂𝗮. Quand un an plus tard, il en était convaincu, le premier album sous le bras, 𝗞𝗼𝗻𝗶𝗮𝗻 a voulu une lucarne adaptée à sa vision pour une propulsion fulgurante du produit. Pour ce faire, il n’y avait que 𝗙𝘂𝗹 et son émission Podium.

Mais bien avant, au début de la carrière de 𝗙𝘂𝗹, en 1976, ce n’était pas le grand amour entre le jeune vaillant, pimpant, bouillant animateur, et le taciturne expérimenté professionnel du showbiz. 𝗞𝗮𝘀𝘀𝘆 voudrait bien se rapprocher de “𝑙’ℎ𝑜𝑚𝑚𝑒 𝑑𝑜𝑛𝑡 𝑜𝑛 𝑑𝑖𝑠𝑎𝑖𝑡 𝑡𝑎𝑛𝑡 𝑑𝑒 𝑏𝑖𝑒𝑛 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑙𝑒 𝑚𝑜𝑛𝑑𝑒 𝑑𝑢 𝑠ℎ𝑜𝑤 𝑏𝑢𝑠𝑖𝑛𝑒𝑠𝑠 ’’ ; celui qui a fait des piges dans les méandres de la maison de disques 𝗕𝗮𝗿𝗰𝗹𝗮𝘆, à Londres ; le seul Ivoirien à avoir conçu et réalisé une unité de pressage de disque (𝗦𝗜𝗜𝗦) ; celui qui avait produit 𝙂𝙤𝙡𝙤𝙯𝙤 d’𝗘𝗿𝗻𝗲𝘀𝘁𝗼 𝗗𝗷𝗲́𝗱𝗷𝗲́… 𝗥𝗙𝗞, oui d’accord, mais le rigoureux professionnel 𝗞𝗼𝗻𝗶𝗮𝗻 se méfiait un peu de ce jeune Animateur un peu trop expansif à son goût.

𝗙𝗮𝘂𝘃𝗲 𝗶𝗻𝗱𝗼𝗺𝗽𝘁𝗮𝗯𝗹𝗲

À propos de 𝙂𝙤𝙡𝙤𝙯𝙤, l’histoire raconte que n’ayant pas apprécier une critique virulente de 𝗕𝗲𝗿𝗻𝗮𝗿𝗱 𝗔𝗵𝘂𝗮 de 𝗙𝗿𝗮𝘁 𝗠𝗮𝘁 sur son produit, 𝗞𝗼𝗻𝗶𝗮𝗻 organisa un dîner de presse pour recadrer les choses. Et puisque chaque convive devait apprécier l’œuvre à sa manière, 𝗙𝘂𝗹 le fougueux, arrivé avec 𝗝𝗶𝗺𝗺𝘆 𝗛𝘆𝗮𝗰𝗶𝗻𝘁𝗵𝗲, l’ami commun aux deux, s’imposa sans crier gare à son tour de parole : « 𝑀𝑜𝑖, 𝑐𝑒 𝑛’𝑒𝑠𝑡 𝑝𝑎𝑠 𝑝𝑎𝑟𝑐𝑒 𝑞𝑢𝑒 𝐾𝑜𝑛𝑖𝑎𝑛 𝑚’𝑎 𝑖𝑛𝑣𝑖𝑡𝑒́ 𝑎̀ 𝑚𝑎𝑛𝑔𝑒𝑟 𝑐ℎ𝑒𝑧 𝑙𝑢𝑖 𝑞𝑢𝑒 𝑗𝑒 𝑑𝑖𝑟𝑎𝑖𝑠 𝑡𝑜𝑢𝑡 𝑑𝑒 𝑠𝑢𝑖𝑡𝑒 𝑞𝑢𝑒 𝑠𝑜𝑛 𝑝𝑟𝑜𝑑𝑢𝑖𝑡 𝑒𝑠𝑡 𝑒𝑥𝑐𝑒𝑙𝑙𝑒𝑛𝑡. 𝐽𝑒 𝑓𝑒𝑟𝑎𝑖 𝑚𝑜𝑛 𝑏𝑜𝑢𝑙𝑜𝑡 𝑐𝑜𝑚𝑚𝑒 𝑖𝑙 𝑠𝑒 𝑑𝑜𝑖𝑡 » … Le suivisme panurgiste, ce n’était en tout cas pas le genre de 𝗙𝘂𝗹.

Déjà, le silencieux et froid Producteur était très sélectif dans ses rapports avec autrui. Il n’appréciait donc pas très bien l’exubérance du filiforme animateur, un tantinet électron libre, jugé un peu trop incontrôlable. Cet épisode de dîner de presse sur l’album 𝙂𝙤𝙡𝙤𝙯𝙤 de 𝗗𝗷𝗲́𝗱𝗷𝗲́ avait donc contribuer à assombrir un peu plus encore le ciel des relations entre les deux hommes, entre le jeune fauve et le monstre froid du showbiz ivoirien. Mais 𝗙𝘂𝗹 se rachètera plus tard en invitant 𝗞𝗼𝗻𝗶𝗮𝗻 à siéger dans le jury de Podium 79, aux côtés d’Emmanuel Koffi, Jacques Bilé, Souleymane Coulibaly de Radio CI, et Manu Dibango de l’ORTI. L’honneur était grand qui permit à 𝗞𝗼𝗻𝗶𝗮𝗻 de réviser son opinion sur 𝗙𝘂𝗹 qui avait pour lui, la rage de toujours apprendre, la curiosité journalistique, le flair du talent et le goût de la perfection.

𝗗𝗲 𝗹𝗮 𝗹𝘂𝗻𝗲 𝗱𝗲 𝗳𝗶𝗲𝗹 𝗮̀ 𝗹𝗮 𝗹𝘂𝗻𝗲 𝗱𝗲 𝗺𝗶𝗲𝗹

Mais pour mieux dompter le fauve, l’apprivoiser et l’aider à mieux comprendre les sinuosités du showbiz, 𝗙𝗿𝗮𝗻𝗰̧𝗼𝗶𝘀 𝗞𝗼𝗻𝗶𝗮𝗻 l’invitera tous frais payés à Paris. Le 21 mai 1980, 𝗙𝘂𝗹 atterrira donc à Roissy Charles De Gaule 1, direction le studio où l’attendait le boss de la 𝗦𝗜𝗜𝗦, pour l’enregistrement d’un album de 𝗗𝗮𝗽𝗹𝗲𝘆 𝗦𝘁𝗼𝗻𝗲. 𝗙𝘂𝗹 y débarqua avec caméra et appareil photo au point. Alors du jeune Animateur « gonflé et arrogant », 𝗞𝗼𝗻𝗶𝗮𝗻 découvrit là, le jeune passionné et professionnel en herbe. Et entre professionnel, le feeling ne pouvait désormais que passer…

Quand en 1985, 𝗞𝗼𝗻𝗶𝗮𝗻 créera 𝗪𝗼𝘆𝗮 et enregistrera dans le plus grand secret, au studio JBZ, 𝙆𝒂𝙘𝒐𝙪 𝘼𝒏𝙖𝒏𝙯𝒆̀, il ne pouvait évidemment que penser à 𝗙𝘂𝗹 et à Podium pour “vendre’’ l’album avant même sa sortie. Le deal fut scellé. Et de la lune de fiel, ce fut la lune de miel entre le boss de 𝗪𝗼𝘆𝗮 et le fulgurant animateur du tube cathodique ivoirien.

𝗙𝘂𝗹 imposera 𝙆𝒂𝙘𝒐𝙪 𝘼𝒏𝙖𝒏𝙯𝒆̀ à Podium 85, alors même que ce titre n’était entendu nulle part, le disque n’étant pas encore sur le marché. Mais il faut dire qu’un jour, faisant un détour au JBZ, 𝗙𝘂𝗹 tomba sur l’enregistrement de 𝙆𝒂𝙘𝒐𝙪 𝘼𝒏𝙖𝒏𝙯𝒆̀ qui l’accrocha instantanément. Voyant son désormais ami 𝗞𝗼𝗻𝗶𝗮𝗻 à court de liquidité ce jour-là, 𝗙𝘂𝗹 paya deux jours de studio avec la recette de sa boîte de nuit. Le très méfiant 𝗞𝗼𝗻𝗶𝗮𝗻 accepta ce geste qu’il trouva spontané et sincère.

Durant les vacances 85, et avant sa sortie, 𝙆𝒂𝙘𝒐𝙪 𝘼𝒏𝙖𝒏𝙯𝒆̀ était sur toutes les lèvres parce qu’imposé à Podium 85. Mais le clip ne laissait dévisager aucun membre du groupe. Le boss 𝗞𝗼𝗻𝗶𝗮𝗻 ne voulait pas de star dans ce groupe. Dans son entendement, la star c’était le groupe, et personne d’autre. 𝗗𝗮𝘃𝗶𝗱 𝗧𝗮𝘆𝗼𝗿𝗮𝘂𝗹𝘁 qui s’était présenté comme le Chanteur du groupe au journaliste d’𝗜𝘃𝗼𝗶𝗿𝗲 𝗗𝗶𝗺𝗮𝗻𝗰𝗵𝗲 en reportage à 𝗗𝗶𝘃𝗼, avait été vite rattrapé par le boss. Pour lui, il n’y avait pas de chanteur dans 𝗪𝗼𝘆𝗮. Il n’y avait que des choristes…

𝗠𝘆𝘀𝘁𝗲̀𝗿𝗲 𝗲𝘁 𝗯𝗼𝘂𝗹𝗲 𝗱𝗲 𝗴𝗼𝗺𝗺𝗲, 𝗹𝗮 𝗺𝗮𝗿𝗾𝘂𝗲 𝗞𝗼𝗻𝗶𝗮𝗻

Qui sont ceux qui en étaient donc les membres ? Étaient-ce des néophytes, des novices ou des professionnels ? Mystère et boule de gomme. 𝙆𝒂𝙘𝒐𝙪 𝘼𝒏𝙖𝒏𝙯𝒆̀ était le tube des vacances 85, mais personne ne savait qui en étaient les auteurs. 𝗞𝗼𝗻𝗶𝗮𝗻 l’a voulu ainsi. Et c’était ça la science, la marque de fabrique de cet homme-chat-discret qui avait une appétence ontologique pour le calfeutrage de ses plans.

Ce n’est que lors de la manche des seconds de Podium 85 (qualification de Reggae New System devant les très pourtant performants Roots avec Serges Kassy) que 𝗙𝘂𝗹 permettra aux téléspectateurs de découvrir 𝑶𝒉 𝑳𝒐𝒖𝒃𝒂𝒓𝒅. Ce titre acheva de convaincre sur la qualité de l’opus qui allait sortir les jours suivants.

Pour la finale de 85, les 𝗪𝗼𝘆𝗮 devaient prester en play-back, en lever de rideau. C’était une grande première pour le groupe, et une exclusivité pour la Télévision ivoirienne. Konian ne fera passer que quatre membres du groupe, à savoir 𝗕𝗶𝗹𝗹𝘆 𝗦𝘆𝗻𝗰𝗼𝗽𝗲, 𝗠𝗮𝗿𝗶𝗻𝗼, 𝗖𝗲́𝘀𝗮𝗿 𝗲𝘁 𝗠𝗮𝗿𝗰𝗲𝗹𝗹𝗶𝗻. Chacun d’eux s’est muni d’un chapeau de paysan pour le concept, mais surtout pour mieux se claquemurer face aux téléspectateurs. 𝗞𝗼𝗻𝗶𝗮𝗻 convaincra les Réalisateurs de l’émission de ne point faire de gros plans sur les visages de ses poulains, en attendant la sortie de l’album. Il fallait toujours garder le mystère pour faire mousser la sortie officielle du groupe. Jeux d’ombre donc des caméras sur ces visages pour brouiller les pistes.

𝗧𝗼𝘂𝗷𝗼𝘂𝗿𝘀 𝗰𝗲 𝗴𝗼𝘂̂𝘁 𝗱’𝗶𝗻𝗮𝗰𝗵𝗲𝘃𝗲́

Peu importe. L’écume de la rage sur les babines, ces quatre chats huant qui s’étaient murés à 𝗗𝗶𝘃𝗼 depuis plus d’un an déjà, allaient enfin être sous les feux des projecteurs. Comme confinés sur ordre de leur Gendarme-protecteur de Producteur, les quatre mecs s’en sont donnés à cœur joie pour leur première apparition devant les caméras, au célèbre studio B de la RTI.

À la suite de leur prestation, ils procéderont à quelques dédicaces pour les Ministres 𝗧𝗵𝗶𝗮𝗺 et 𝗕𝗲𝗰𝗵𝗼, sous l’œil taquin et goguenard du délié animateur du Studio 302.

Lors de cette finale, 𝗔𝗺𝘆 𝗕𝗮𝗺𝗯𝗮 de Reggae New System sera retenue sur les tablettes de Konian François et intégrera 𝗪𝗼𝘆𝗮 pour le second album…

L’histoire de l’une des plus belles réussites de la musique ivoirienne venait ainsi de débuter. Mais ce sera aussi l’un des plus beaux gâchis de notre histoire musicale contemporaine, un peu par la faute de son géniteur. À force de vouloir tout régenter, le boss n’avait pas compris qu’il avait en face de lui des Artistes dans l’âme. Et qu’à un moment donné de leur histoire, il fallait laisser ces anonymes devenus des stars s’autogérer, tout en y gardant l’œil. Un peu comme 𝗞𝗮𝘀𝘀𝗮𝘃. Mille fois hélas. Mille fois, on le dira. Mille fois, on le répétera. Mille fois hélas. Avec comme toujours, ce sempiternel goût d’inachevé.

𝕄𝕒𝕟𝕦 𝕎𝕒𝕒𝕙