Tard dans la nuit du 20 janvier 1989, la grande faucheuse anéantissait les espérances de milliers d’Ivoiriens en prière. L’un des meilleurs produits de notre Télé, Ful, poussait son dernier souffle à la PISAM. Pendant qu’une pluie étrange mouillait ce soir-là la ville d’Abidjan… en un temps d’harmattan. Étrange !
KÉBÉ Yacouba, Directeur d’Ivoir’ Soir, réveille par téléphone fixe Tiburce Koffi, un ami de Ful, peu avant 4 heures du mat, pour lui annoncer la mauvaise nouvelle. Quel sentiment peut habiter un ami, homme de Lettres, et Musicien, face à ce mauvais coup de la vie, face à cette horreur. Dégout ? Déception ? Révolte ? Panique ? Tristesse ? Consternation ? Stress ? Ou tout-en-un ? Une fois le téléphone raccroché et la lumière de la chambre éteinte, l’homme tend instinctivement la main dans le noir et se saisit de sa guitare posée toujours au chevet du lit. Feuille et stylo suivent. Un accord de Sol est placé sur la guitare. Les paroles s’enchainent vite. Le texte est écrit en 10 minutes, couché sur du papier. Et la mélodie arrive toute seule. Avant le lever du jour cette nuit-là, la chanson était composée, et la musique toute faite…
Dès le lendemain, appel à Kaloua. À l’écoute de la mélodie, Yves ZOGBO Jr, alors Animateur sur la Première chaine estime que cette œuvre n’est pas à enfouir dans un tiroir. Mais à l’époque, les sous faisant défaut, Alpha Blondy, l’ami de Ful, est sollicité pour le financement. Sans aucune hésitation, il sort ‘’les feuilles’’…
KALOUA, AFRI LOUE, SYNTHE, ET LES AUTRES
Deux ans plus tard, en 1991, direction le Studio Séquence. Marcellin YACÉ, l’orfèvre, est sollicité dans un premier temps pour les prises de son. Mais lui aussi est subjugué par la beauté de cette mélodie nue, simple et sortie de nulle part. Il n’a donc pas voulu se contenter seulement de la prise de son. Il décide donc lui aussi d’y apporter sa touche au clavier et à la flute, outre les prises de son.
Et des compagnons sont donc réunis un soir au Studio Séquence. Le grand guitariste, Eugène AFRI LOUÉ vient sans hésiter pour chuchoter à sa guitare sur un ton classique. On ira chercher l’émérite Journaliste-Musicien, Gustave GUIRO, pour ses cognées de bass mordantes. Yves ZOGBO Jr sera sollicité pour des paragraphes de chant. Pour les chœurs, il n’y avait pas mieux que Sophie FARANNE et Michelle BOHUI. Luc Hervé NKO est aussi appelé au clavier. Et lorsque Tiburce sollicite son pote Venance KONAN, pour lire un texte, l’ami se mit à ronronner, se disant qu’il n’est pas musicien, lui. Que viendra – t – il faire dans ce microcosme de musiciens chevronnés ? Mais il s’y rendra tout de même. Et le texte sera rendu avec toute la théâtralité qui sied. En un soir, en une nuit, l’album était
Cette même nuit, les bruits du studio parviennent aux oreilles du longiligne et excellent présentateur du JT de 20 heures, Levy NIAMKEY. Camera au point, et sans y être invité, il débarque en plein studio pour des prises de vue. Il annonça au JT de 20 heures du lendemain, la belle promesse qui se concoctait du côté du Studio Séquence. Une belle promo qui lança de fort belle manière un album que son auteur ne destinait pas à la vente au départ. Mais la pression de la maison de distribution lui aura donné un autre destin…
30 ANS APRES…
Un destin 30 ans après la sortie de cette œuvre (1991 – 2021) qui aura occasionné, après le départ de Ful, quelques hémorragies oculaires. Les larmes ont coulé. Marcellin a été lâchement fauché au cours d’une nuit d’horreur en 2002, sans savoir ce qu’on lui reprochait, et sans avoir pu éteindre son synthétiseur. Afri LOUÉ ne chuchotera plus à sa classique de guitare. Et Gustave Guiraud a baissé à jamais le son de sa bass en 2007. Ful le sait. Et il les accueillera sur…son Podium.
Manu Waah